Bean Soup Les invocations, évocations et autres citations sont inhérentes au jazz. Une façon de rendre hommage aux glorieux aînés et, parfois, de combler un vide. Des hommages rendus par Alvin Queen, Joachim Kühn, Nicolas Folmer, le 5tet Bean Soup (cf. photo) et pour les 75 ans de Joni Mitchell.

Il suffit d'étudier les programmes de certains clubs de jazz pour s'apercevoir que les hommages en tout genre sont légions, les fameux "Tribute to...". Surtout de la part de la nouvelle génération qui cherche des repères.
Cependant, quand cette révérence est le fait d'un ancien accompagnateur et/ou partenaire, celle-ci prend une toute autre dimension.

A l'image d'Alvin Queen. Le batteur né aux Etats-Unis voici 68 ans, aujourd'hui citoyen helvète, fut - avec le contrebassiste danois Nils-Henning O(e)rsted Pedersen (NHOP pour les intimes !) - membre de l'ultime Trio d'Oscar Peterson. Et à ce titre habilité à saluer la mémoire de l'immense - par la taille et la musique - pianiste canadien comme il le fait dans "O.P. A Tribute to Oscar Peterson" (Stunt Records/Una Volta Music).Alvin Queen Front Cover

Assisté de Zier Romme (piano) et Ida Hvid (contrebasse), dévoile avec force rythmes solides sa gratitude, son respect et son admiration pour cette légende du jazz en piochant dans son répertoire mélodieux et élégant. Un vrai plaisir.

Joachim Kühn, qui vient de célébrer ses 75 ans, a toujours été l'une des figures majeures de la scène des musique improvisées en Europe. Et l'un des rares pianistes - Geri Allen avant et un certain Walter Norris en 1958 sur "Something Else ! The Music of Ornette Coleman", premier disque du saxophoniste - à avoir travaillé avec le compositeur et multi instrumentiste "révolutionnaire", Ornette Coleman.

Ornette Coleman & Joachim Kuhn© Austin Trevett New York 1997Pour commémorer l'"inventeur" du free jazz et du système "harmolodique", avec qui il avait donné seize concerts entre 1995 et 2000, le pianiste allemand divulgue pour la première fois dans "Melodic Ornette Coleman - Piano Works XIII" (ACT), des pièces écrites et enregistrées par O. Coleman, mais dont seul le pianiste détenait les partitions.

A l'écoute de ce disque en solo, ce qui fascine et émerveille, c'est la façon avec laquelle J. Kühn parvient à s'approprier des mélodies aux contours parfois inattendus sans jamais les dénaturer ou les éloigner des volontés et de l'imagination fertile de son concepteur. Une magnifique prouesse musicale.

Célébration d'une icône

Il sont venus, ils sont tous là ! Norah Jones, Emmylou Harris, Chaka Khan, Diana Krall, Kris Kristofferson, Graham Nash, Seal, James Taylor et Rufus Wainwright notamment, s'étaient donnés rendez-vous deux soirs durant (les 6 et 7 novembre 2018) à Los Angeles pour fêter les 75 ans d'une icône de la folk et de la country music : Joni Mitchell.
D'autant plus que ses apparitions sur scène étant extrêmement rares, la dernière remontant à 2013 à Toronto.Joni75 COVER

"Joni 75 - A Birthday Celebration" (Verve/Universal) rend ainsi compte des performances de ces deux soirées au cours desquelles cette foultitude d'artistes de renom a honoré celle qui reste l'une des chanteuses/compositrices les plus remarquables de sa génération, en reprenant certains de ses titres emblématiques qui sont des étapes de sa vie comme "Woodstock", "Both Sides Now" ou encore "Nothing Can Be Done". Sachant en plus que certaines de ses compositions sont en passe de devenir des "standards" pour la jeune génération de jazzmen. Un très bel hommage !

Eloges à la française

Difficile de comptabiliser les hommages à Miles Davis depuis sa disparition en 1991.

So Miles photo©Marc RibesNicolas Folmer vient de relever le défi. Le trompettiste, qui a partagé la scène avec des partenaires de son mentor comme John Lewis, René Urtreger, Dave Liebman et Rick Margitza, vient d'enregistrer "So Miles" (Cristal Records/Sony Music).

Et s'il pose ses choruses et sa technique brillante et évocatrice sur les traces du "Prince des ténèbres", il revisite, réinvente, se réapproprie, remodèle plusieurs des périodes de la vie musicale du trompettiste, du très beau "Blue in Green", couplé avec "Nefertiti", à "Human Nature" de Michael Jackson en passant par l'inévitable, "So What". En plus de compositions originales.
Si tous les chemins mènent à Miles, encore faut-il comme Nicolas Folmer, les emprunter avec dévotion et humilité pour réaliser un projet précieux et en tout point admirable

L'esprit de l'immense Coleman Hawkins (1904 - 1969), surnommé le "Bean" ou "Hawk" et connu pour avoir donné une version immortelle du standard "Body and Soul" en 1939, plane sur la formation tricolore "Bean Soup".

Codirigé par Michel Bescont (saxophone-ténor) et Michel Bonnet (cornet), le quintet - qui comprend également un pilier de la scène hexagonale, le pianiste Jacques Schneck - vient d'enregistrer "Odidrep" (Camille Production/Socadisc). Un disque qui évoque avec brio l'univers musical si riche de l'iconique saxophone-ténor qui a influencé plusieurs générations d'instrumentistes dans les années 1930/1940.Odidrep cover

Outre des reprises du maître, au style aux confins de la Swing Era et des prémices du Be Bop, et autres standards plus une composition originale - "Odidrep" (anagramme de "Perdido") - ces cinq protagonistes nous ramènent aux racines et aux thèmes d'un jazz certes devenu historique mais oh combien absolument essentiel et indispensable. Ce jazz qui swingue et que l'on ne peut s'empêcher d'écouter en tapant du pied ou en hochant de la tête !

Rythmiquement et mélodiquement jouissif !