Lee KonitzLee Konitz et Elvin Jones ont participé à la création de l'histoire du jazz moderne. Brad Mehldau, qui affectionne les duos, est en train de construire l'histoire du jazz actuel. Vivant, éclectique, ouvert à d'autres genres musicaux. Revue de détail.

 

 

A bientôt 90 ans (il les fêtera en octobre prochain), Lee Konitz reste une des rares figures majeures du jazz contemporain à la fois toujours en action et qui possède cette aura incontestée d'un saxophoniste-alto qui ne finit pas de se renouveler et de surprendre en plus de soixante ans de carrière. Une carrière marquée d'abord par son désir d'indépendance et d'affranchissement par rapport au style initié par Charlie Parker. Puis, en participant à l'aube des années 1950, à la création d'un jazz "cool", avec notamment le pianiste Lennie Tristano, Warne Marsh et Gerry Mulligan (saxes), après avoir participé aux séances "Birth of the Cool" (1949-50) de Miles Davis. Ensuite, en anticipant les toutes premières expériences avant-gardistes des années 1960, là encore avec Lennie Tristano à la manœuvre. Voici donc qu'après plusieurs centaines d'albums sous son nom et en tant qu'accompagnateur, Lee Konitz parvient encore à nous surprendre à l'écoute de son dernier CD, "Frescalalto", son premier pour le label Impulse ! (Universal). A la tête d'une étourdissante rythmique conduite par un Kenny Barron (piano) absolument impérial, dont la première apparition phonographique avec l'altiste remonte à 1992, entouré de Peter Washington (contrebasse) et Kenny Washington (batterie - aucun lien de parenté), le leader revient à certains fondamentaux, les standards de jazz. Cinq en tout sur huit compositions - dont "Stella By Starlight", "Out of Nowhere" et "Cherokee" - dont il se réapproprie le feeling, l'atmosphère et la musicalité, voire ose même scatter avec élégance. Un nouvel album référence.

Elvin JonesPour tous les amateurs de jazz, Elvin Jones (1927 - 2004) restera LE batteur emblématique du célébrissime Quartet de John Coltrane (dont on célèbrera en juillet le 50è anniversaire de la disparition). Pourtant le batteur, qui avait été à l'origine d'un tourbillon sonore et un tonnerre rythmique sans précédent dans le jazz avant lui, avait connu une belle carrière avant sa rencontre avec le maître saxophoniste. C'est ce qui ressort à la découverte d'une compilation, "The Quintessence - New York City - Stockholm - 1956-1962" ( Frémeaux & Associés - double CD). Si deux titres appartiennent à la période coltranienne ("Blues To You" et "Impressions"), les autres permettent d'entendre le rythmicien à l'époque nullement tellurique, accompagnant Bobby Jaspar, Sonny Rollins, Steve Lacy, au sein du big band de Gil Evans, Freddie Hubbard, Lee Konitz et McCoy Tyner, ou en leader avec son frère Hank (piano). La genèse d'un apprenti sorcier.


Expérience à deux

 

chris thile brad mehldau Brad Mehldau, qui est vraisemblablement le pianiste le plus influent de ces vingt dernières années, affectionne les duos. Avec Joshua Redman (saxes), celui qui le fit découvrir au grand public, Mark Guiliana (percussions) et son alter ego, Tigran Hamasyan. Pour sa nouvelle expérience à deux, il s'est associé au mandoliniste/chanteur de bluegrass Chris Thile, fondateur des groupes Punch Brothers et Nickel Creek, pour graver un disque éponyme (Nonesuch/WEA). Un double album qui est un astucieux mélange de titres originaux et de reprises (Bob Dylan, Joni Mitchell et celle, superbe et émouvante, de "Tabhair dom do Lamh" célèbre composition du harpiste irlandais de la fin du XVIè siècle, Ruaidri Dall O Cathain) dans lequel ces admirateurs de longue date proposent une belle promenade dans divers styles musicaux partie intégrante de la musique américaine moderne. Quand le jazz rencontre le bluegrass, c'est une affaire de belles mélodies.

Chris Thile sera en solo le 15 mars à Paris (Alhambra) et le 16 à Lyon (Les Subsistances).