Pour la troisième soirée du Monte-Carlo Jazz Festival, le bassiste Marcus Miller et le claviériste Cory Henry ont démontré qu’ils avaient plusieurs choses en commun, dont celle de pratiquer un jazz qui déménage.
Actuellement membre du collectif de Brooklyn, Snarky Puppy, avec qui il tourne, le claviériste électrique (Korg/Wurlitzer) Cory Henry est aussi depuis quelques temps à la tête de son propre groupe " The Funk Apostles ". Un sextet juvénile – composé de deux batteurs, d’un second claviériste, d’un guitariste électrique (dont le look ressemble étrangement à celui de Jerry Garcia, membre fondateur des Grateful Dead) et d’un bassiste électrique – dont le credo est, comme son nom l’indique, le jazz funk. Et dès les premières mesures de leur set, c’est une véritable claque qui frappe les spectateurs. Comme au bon vieux temps de Weather Report, Return To Forever de Chick Corea et autres Headhunters d’Herbie Hancock ou Mahavishnu du guitariste John McLaughlin, présent dans la salle – autrement dit les années de braises du jazz Fusion des 70’s – les rythmes binaires, rockisants et super funky, assortis de mélodies au groove caractéristique du jazz-rock, fusent de toutes parts. Ce qui procure un jazz musclé aux allures urbaines délivré sous une pluie de décibels soigneusement contrôlée. A défaut d’être des novateurs, ces jeunes musiciens, qui ont digéré toutes les tendances musicales modernes, possèdent pourtant l’avenir du jazz entre leurs mains grâce à leur éclectisme, loin des chapelles.
Marcus Miller, la référence funky
C’est à Monte-Carlo que le bassiste/compositeur – et accessoirement clarinettiste-basse quand il interprète « Gorée », une composition personnelle qui évoque les années noires de l’esclavage – Marcus Miller a décidé de mettre un terme à sa tournée européenne aux 80 dates de cette saison pour la présentation de son dernier opus, « Afrodeezia ». A cette occasion, le leader avait adjoint deux musiciens africains - Alune Wade (guitare basse) et Chérif (kora) - à son propre groupe composé de Adam Agati (guitare), Brett Williams (claviers), Alex Han (saxophone alto & soprano), Marquis Hill (trompette) et Mino Cinelu (percussions), comme lui un ancien accompagnateur de Miles Davis. Aujourd'hui Marcus Miller est devenu un incontournable, une référence. Référence en matière de technique et de virtuosité à la basse électrique qu’il arrive à faire chanter quand il slappe et improvise. Référence quand il transporte son public grâce à une musique hyper funky et rythmée qui électrise les sens, qui invite à bouger, à chanter, à s’exprimer, à danser, à se libérer, à faire la fête. Référence enfin, quand il cite et rend hommage à celui qui fut son mentor, Miles Davis, à travers la belle comptine baptisée « Jean-Pierre » ou encore quand, au rappel, il reprend son thème fétiche, " Tutu ". Avant l’explosion finale avec le lancinant " Blast ", quand Cory Henry d’autres musiciens viennent se joindre à la fête sur scène. Sa musique est un véritable hymne à la joie qu’il sait partager et communiquer, avec l’aide d’accompagnateurs de très grand talent. Reviens vite, Marcus !