Principal ingrédient d'une recette qui a fait ses preuves, le piano se conjugue du solo au trio. Et si la galaxie des pianistes, à l'image de celle des chanteuses, connait beaucoup d'étoiles filantes, certains mettent plusieurs années avant de sortir du cercle des initiés et acquérir une véritable notoriété.
C'est ainsi le cas de Fred Hersch.
Séropositif depuis les années 1980, le pianiste âgé de 62 ans qui a joué avec des saxophonistes comme Art Pepper, Stan Getz, Joe Henderson ou encore Lee Konitz, est un miraculé. Victime en 2008 d'un coma de deux mois dû au VIH - il est un des rares jazzmen à revendiqué son homosexualité - il a du tout réapprendre pour revenir à son niveau de digne héritier de Bill Evans. Et le miracle a eu lieu !
La preuve : son dernier CD en trio "Live in Europe" (Palmetto Records/Bertus Distribution). Accompagné de ses partenaires de longue date - John Hebert (contrebasse) ; Eric McPherson (batterie) - le leader (Prix In Honorem Jazz 2017 décerné par l'Académie Charles Cros pour l'ensemble de sa carrière) y délivre avec brio, élégance et une profonde inspiration six compositions originales et transcende deux titres de Thelonious Monk et Wayne Shorter. Un touché de piano exceptionnel au service de riches idées, le tout exalté par l'empathie et l'homogénéité exemplaires qui se dégagent de son trio. Un must !
(Il sera le 10 août à Jazz in Marciac, les 13 & 14 à La Petite Pierre, le 18 à Ramatuelle, le 21 à Coart Jazz Académie et le 25 à Annecy)
Au cours des années 2000, E.S.T. - autrement dit le Trio du pianiste suédois Esbjörn Svensson (Dan Berglund, contrebasse ; Magnus Öström, batterie) - s'était rapidement imposé comme une de ces formations phares et pilotes de cette formule pourtant très largement utilisée, voire usée.Puis survint le drame : il y a dix ans, le leader trouvait la mort au cours d'un accident de plongée.
Afin de commémorer cette tragique disparition et honorer la mémoire du pianiste, le label allemand ACT (distribution PIAS) vient de publier "E.S.T Live in London", un double CD inédit enregistré au Barbican Centre en mai 2005. Où l'on retrouve toute la cohésion d'un trio extrêmement soudé - alors à son apogée même s'il semblait connaitre une décélération musicale et personnelle en raison vraisemblablement d'une certaine routine - dans lequel chacun des membres apporte toujours sa contribution éclairée à l'élaboration d'une musique originale, touchée par la grâce.
(A noter que le contrebassiste de E.S.T, Dan Berglund vient de publier un nouvel album, "Live Salvation" - ACT/Harmonia Mundi - à la tête de son groupe "Tonbruket".)
A l'écoute de "Wash" (Camille Productions/Socadisc), le disque en solo du pianiste Philippe Milanta, une filiation s'impose : Duke Ellington !
Mais pas que : il y a aussi du Erroll Garner, du Count Basie et du... Claude Debussy, particulièrement honoré ces temps-ci. L'amour pour Duke Ellington - mais aussi pour Billy Strayhorn connu pour son historique collaboration avec le grand chef d'orchestre - Philippe Milanta l'a partagé récemment avec son compère le saxophoniste André Villeger.
Dans "Wash", il s'agit de quinze compositions en tout, des reprises de standards (Ellington toujours avec "In A Sentimental Mood", "Stella By Starlight" de Victor Young) et des titres originaux, qui permettent de mettre en avant un jeu à la fois dynamique et élégant, agrémenté d'une recherche harmonique fouillée offrant une belle palette de couleurs pleine de swing.
(Il sera en concert le 30 mai au Sunside à Paris).
(Crédit photos :Fred Hersch Trio©Jim Abbott / E..S.T©Jim Rakete)