Ils sont sortis durant la chaleur estivale et, malgré la renommée des artistes annoncés - Art Blakey, Charles Tolliver, Jimmy Heath, Django Reinhardt et Quincy Jones - ces albums sont quasiment passés inaperçus.
Oublié (perdu ? égaré ?) dans les archives de Blue Note (Universal) pendant plus de 60 ans, "Just Coolin'" du batteur Art Blakey et ses Jazz Messengers est un album de transition. D'où, sans doute, son "abandon"...
En ce 8 mars 1959, date de l'enregistrement dans les studios du célèbre ingénieur du son Rudy Van Gelder, Benny Golson (saxe-ténor) a quitté le groupe et son alter ego Wayne Shorter est attendu pour plus tard. C'est donc au trop sous estimé Hank Mobley, membre fondateur du quintet, de reprendre sa place. Il est également à l'origine de la composition de trois des six titres de l'album : "M&M", "Hipsippy Blues" et "Just Coolin'".
Les autres "Messagers", outre le leader et H. Mobley, sont des piliers comme Lee Morgan (trompette), Bobby Timmons (piano) et Jymie Merritt (contrebasse, disparu au mois d'avril dernier). Enfin, si cette session, inédite jusqu'à ce jour, a été remisée au placard par Alfred Lion, le légendaire créateur du label Blue Note, c'est parce qu'il avait décidé de les enregistrer "live" au Birdland de New York quelques jours après, pour des disques devenus cultes depuis.
Quant à la musique, débordante de virtuosité collective, elle marque aussi une forme de transition entre un bebop de plus en plus tourné vers un hard bop funky, dont Blakey et ses Messengers ont été des précurseurs.
Agé aujourd'hui de 78 ans, Charles Tolliver a été révélé au cœur des années 1960 alors que le jazz était en pleine r(évolution). Trompettiste, compositeur, directeur d'un label avant-gardiste (Strata East), il s'est frotté aux plus grands, de Jackie McLean à Sonny Rollins en passant par Max Roach, Oliver Nelson et McCoy Tyner.
Malgré des dizaines de disques en leader et en accompagnateur, il était passé par la case oubliettes depuis plus d'une décennie. Jusqu'à la renaissance/résurrection grâce à "Connect" (Gearbox Records), un album vigoureux, puissant, musclé, ancré dans un jazz très expressif et surtout démonstratif au niveau modal.
Pour réussir ce brillant retour, le trompettiste a fait appel à de très solides gaillards du jazz new-yorkais - Jesse Davis (alto saxe), Keith Brown (piano), Buster Williams (contrebasse) et Lenny White (batterie) - mais également à l'un des fers de lance de celui de Londres actuellement, le jeune saxophoniste ténor Binker Golding.
Un mariage de générations et de pointures pour une parfaite symbiose émotionnelle.
Jimmy Heath, qui nous a quitté en janvier dernier à l'âge de 93 ans, faisait partie de la fratrie Heath, à savoir Percy (contrebasse, pilier du MJQ, disparu en 2005) et Albert "Tootie" (batteur, 85 ans).
Sa carrière s'étalait sur plus de sept décennies, au cours desquelles il avait notamment croisé le chemin de Miles Davis, Gil Evans, Chet Baker, Art Pepper et bien sûr les Heath Brothers, et a été ponctuée par plus d'une centaine d'albums.
Pour son ultime disque, "Love Letter" (Verve/Universal), celui qui était surnommé à ses débuts "Little Bird" a tenu à associer son bon gros, ample et moelleux son de saxophone à des invité(e)s qui évoluent dans les plus hautes sphères du jazz actuel : Kenny Barron, Wynton Marsalis, Gregory Porter ou Cécile McLorin Salvant, avec qui il réinvente, d'une sensibilité charnelle, l'un des joyaux vocaux de Billie Holiday, "Left Alone".
Un album de ballades sublimées par un saxophoniste qui a marqué l'histoire du jazz par son audacieuse modestie.
Au retour des Etats-Unis en février 1947 à l'issue d'une tournée et d'un engagement dans un club à New York, Django Reinhardt avait ramené dans ses bagages deux découvertes importantes : d'abord, qu'une vague "bop" inondait le jazz d'alors et, ensuite, que la fée électricité pouvait être adaptée à la guitare.
C'est donc avec sa fameuse Selmer 607 amplifiée que le génial guitariste manouche va transfigurer certaines de ses plus emblématiques compositions. Pour parfaire cette conversion, il fera notamment appel à certains de ses anciens complices, comme notamment le clarinettiste Hubert Rostaing et le contrebassiste Emmanuel Soudieux.
"Electrified Django (1947)" (Label Ouest/L'Autre distribution) est un triple album qui témoigne de cette nouvelle vitalité. Incluant deux titres bonus, les disques - titrés respectivement "Babik", Django's Dream" et "Manoir de mes rêves" - montrent le pari dans lequel s'était lancé le guitariste, à l'aube d'une étape capitale de sa carrière. Et c'est en apprivoisant à merveille l'élément amplifié qu'il va exploiter à nouveau et surtout réinventer son propre répertoire. Le tout pour un nouveau langage musical.
Avant d'être notamment un producteur multi millionnaire (merci Michael Jackson !), un célèbre arrangeur, un propriétaire d'une chaîne de télévision musicale et des droits sur des centaines de chansons, Quincy Jones a été trompettiste et chef d'orchestre.
La preuve : "Quincy Jones 14 mars 1961" (Collection "Live in Paris Frémeaux & Associés), enregistré à cette date par Europe N°1 en direct depuis l'Olympia de Paris dans le cadre de l'émission culte de Franck Ténot et Daniel Filipacchi, "Pour ceux qui aiment le jazz".
Aux commandes d'un big band composé de plusieurs solides instrumentistes - Freddie Hubbard (trompette), Curtis Fuller (trombone), Phil Woods (alto saxe) - et, déjà (!), de deux femmes - une pionnière du genre, Melba Liston (trombone) et Patricia Brown-Bowen (piano) - l'arrangeur/chef d'orchestre, qui fête ses 28 ans ce jour-là, fait alterner son répertoire entre standards, compositions originales de ses pupitres et les siennes, y compris "The Midnight Sun Will Never Set", co-écrite avec... Henri Salvador !
Ou tout l'art de diriger avec maestria une formidable machine, éclatante de sonorités, aux robustes et inventifs intervenants.
A noter pour la petite (ou grande ?) histoire (du jazz !) que la sortie de l'album live inédit tant attendu de Thelonious Monk, "Palo Alto" (Impulse/Universal), a été repoussée à plusieurs reprises cet été, vraisemblablement en raison de problèmes avec les ayants droit.
Il s'agit d'un concert donné le 27 octobre 1968 dans un lycée de la ville à l'initiative d'un élève de l'établissement, Danny Scher. Le groupe du pianiste se composait alors de Charlie Rouse (ténor saxe), Larry Gales (contrebasse) et Ben Riley (batterie).
Une nouvelle date de parution est prévue le 18 septembre aux Etats-Unis et en France.