Loin des clichés et des stéréotypes, les jazzmen - et women ! - de sa Gracieuse Majesté ont inventé depuis une bonne décennie une musique particulièrement protéiforme. A l'image de Maicha, en tandem avec l'iconique vétéran Gary Bartz, ou encore GoGo Penguin.
Dans une société britannique construite en partie sur le communautarisme - ethnique et religieux - la nouvelle génération de musicien(e)s s'est inspirée de ce multiculturalisme pour créer un langage original.
Le groupe de "spiritual jazz" - un détonnant mélange entre la musique cosmique du Sun Râ Arkestra et celle mystique de John et Alice Coltrane ou Pharoah Sanders - Maisha en est un exemple. D'autant que ces jeunes gens ont appelé à la barre une figure légendaire du jazz, le saxophoniste-alto/clarinettiste et compositeur américain Gary Bartz. Et que l'aboutissement discographique de cette rencontre intergénérationnelle se nomme "Night Dreamer" (Night Dreamer/Bertus).
A 79 ans, Gary Bartz a notamment côtoyé dans sa carrière longue de près de soixante ans, des jazzmen emblématiques comme Charles Mingus, Art Blakey, Max Roach et surtout un certain Miles Davis, dans les années 1970, alors en pleine période électrique - il sera du mythique concert sur l'île de Wight en août 1970 - Wallace Roney (récemment disparu des suites du Covid-19) ou encore McCoy Tyner et... Pharoah Sanders justement. Tout en poursuivant une trajectoire en leader légèrement (euphémisme !) sous-estimée par le public.
Pour sa part, Maisha est un collectif londonien à géométrie variable (six musiciens aujourd'hui - outre le fondateur : Shirley Tetteh, guitare ; Twm Dylan, basse ; Axel Kaner-Lidstrom, trompette ; Al Mcsween, claviers ; Tim Doyle, batterie/percussions ) qui a vu le jour en 2018 à l'instigation du batteur Jake Long et qui a vu défilé dans ses rangs des jeunes pousses, comme Nubya Garcia (saxes) notamment, ayant affirmé depuis leur propre langage musical.
Le mariage, au départ assez improbable, entre le vétéran et la jeune garde british est né de leur rencontre lors du "We Out Here Festival" en 2019, Maisha étant le groupe qui accompagnait Gary Bartz, avant de se produire au EFG London Jazz Festival la même année.
Une union qui a accouché d'un beau bébé enregistré "direct-to-disc" dans lequel on retrouve deux classiques de Bartz - "Uhuru Sasa" (1971) et "Doctor Follows Dance" (1973) - les trois autres compositions - comme le très entraînant et radiophonique "Leta's Dance" - étant écrites conjointement par le leader et le collectif.
Si Gary Bartz est le flamboyant soliste planant et modal, au groove et à l'allure instrumentale funky, à la fois chaloupée et lyrique, avec une pointe de "dance" et d'afro-beat, les petits jeunes de Maisha assurent à la hauteur de leur talent, avec une mention toute spéciale pour la guitariste Shirley Tetteh, qui déborde de riffs bluesy sur "The Stank".
Une musique qui rend heureux !
Les trois de Manchester
Surnommé par certains le "Radiohead du British Jazz", le trio de Manchester GoGo Penguin - Chris Illingworth (piano), Nick Blacka (contrebasse) et Rob Turner (batterie) - s'est démarqué de la formule classique, depuis sa création en 2013, à travers une musique qui a toujours été un défi lancé aux étiquettes et chapelles.
Leur nouveau CD éponyme (Blue Note/Universal) n'échappe pas à la règle : des zestes ici et là d'Erik Satie et Steve Reich, des structures répétitives et minimalistes, des appels du pied au jazz nordique, électronique voire techno avec une utilisation des technologies numériques et de nombreux effets sonores.
Une subtile alchimie musicale souvent cyclique pourtant qui, parfois, frise une certaine monotonie inventive et rythmique.