L'école française de jazz est particulièrement vivante et active. Et diverse dans ses courants. Entre hommage direct - André Villéger - clin d'oeil - Sylvain Rifflet - aventuriers et explorateurs - Pierrick Pedron, Laurent Coq et Fred Nardin. Le choix est large.
"Il était mon bras droit, mon bras gauche, les yeux derrière ma tête, mes ondes cérébrales à l'intérieur de mon crâne, et vice-versa", avait coutume de dire Duke Ellington à propos de Billy Strayhorn (1915-1967).
Cette citation est le fil rouge du dernier disque d'André Villéger, "Strictly Strayhorn" (Camille Production/Socadisc), enregistré en compagnie de Philippe Milanta (piano) et Thomas Bramerie (contrebasse). Pilier de plusieurs grands ensembles, le saxophoniste/clarinettiste, au son de velours et lyrique, rend ici un hommage appuyé à celui qui avait écrit et arrangé quelques-unes des plus belles compositions du big band de Duke Ellington et propose - une fois encore avec son fidèle coéquipier le pianiste Philippe Milanta - un nouvel épisode dans sa vénération pour un jazz classique plein de swing. Des standards et des mélodies comme "Satin Doll", "Lush Life" et "Passion Flower" notamment, sont interprétées avec le souci de la fidélité à l'esprit et à l'histoire du jazz. Celle qui est éternelle. (Ils seront le 3 octobre au Sunside à Paris).
Plus d'un demi-siècle séparent un des albums mythiques de Stan Getz "Focus" (1961), enregistré avec des cordes, et "Re Focus" (Verve/Universal) de Sylvain Rifflet.
Un projet ambitieux (voire pompeux) entrepris par le saxophoniste avec la complicité de Fred Pallem, directeur/arrangeur du grand orchestre "Le Sacre du Tympan". Neuf compositions originales, toutes accompagnées par les musiciens classiques de l'Orchestre Appasionato, sur lesquelles celui qui a été consacré Victoire de la Musique 2016 dans la catégorie Meilleur album jazz, tente de sceller une nouvelle fois le rapprochement entre jazz et musique classique. Ni un remake, ni vraiment révolutionnaire, mais un travail conséquent à la croisée des chemins musicaux. (Il sera le 18 octobre au Tourcoing Jazz festival et le 19 au Flow à Paris).
Pierrick Pedron, quant à lui, poursuit son roman musical avec "Unknown" (Crescendo By Fo Feo/Caroline).
Superbement accompagné (Carl-Henri Morisset, piano ; Thomas Bramerie, contrebasse et Greg Hutchinson, batterie, ex-Joshua Redman ou Roy Hargrove), l'altiste, qui avait tout essayé musicalement ces dernières années avec succès (pop, rock, funk, etc.) revient au jazz post bebop de ses racines, celui qui swingue, bouscule, explose, décoiffe, surprend, émeut.
Le tout en neuf compositions originales. Dont une, "Val André", est un clin d'œil à ses origines bretonnes. Un CD plus que séduisant. Très attractif ! (Il sera au Duc des Lombards à Paris du 23 au 25 octobre).
Laurent Coq partage sa carrière entre la France et les Etats-Unis. D'où il a ramené deux membres exceptionnels de son trio franco-américain - Joshua Crumbly (contrebasse) et Jonathan Blake (batterie) - pour son dernier album, "Kinship" (Jazz&People/PIAS).
Un lien de parenté au jazz et à plusieurs de ces acteurs puisque toutes les compositions originales présentées sont dédiées à certains de ses amis et mentors.
D'où un CD plein d'élégance et de lyrisme expressionniste, d'amour et de partage, qui fait du pianiste à la fois une référence et un instrumentiste particulièrement singulier dans la grande famille du jazz moderne. Une musique inspirée. (Il sera les 11 et 12 octobre au Sunside à Paris).
Prix Django Reinhardt 2016 de l'Académie du Jazz, Fred Nardin incarne la jeunesse même. Par son talent d'abord, ensuite par les nombreux projets sur lesquels il travaille et principalement la grande formation "The Amazing Keystone Big Band", cofondée avec un autre espoir du jazz français, le saxophoniste Jon Boutellier.
Très demandé sur la scène du jazz hexagonal, le pianiste a cependant trouvé le temps et des acolytes de choix, venus également d'outre-Atlantique - Or Bareket (contrebasse) et Leon Parker (batterie/percussions) - pour graver son dernier album, "Opening" (Jazz Family). Un disque qui, tout en étant dans l'air du temps des trios actuels dans son approche et sa musicalité, propose une belle inventivité et une élégance rythmique et harmonique personnelle. (Il sera les 13 et 14 octobre au Duc des Lombards à Paris).