Un nouveau petit génie - Mark Guiliana - et deux vétérans - Daniel Humair et Aldo Romano - rappellent l'importance et la place de la batterie dans le jazz vivant actuel. A un moment où sont célébrés les 100 ans de la naissance d'un des maîtres batteurs de big bands : Buddy Rich.
A 36 ans, Mark Guiliana est un nouveau petit génie de la batterie moderne.
Son jeu polyrythmique personnel très expansif et créatif est admiré aussi bien dans le monde du jazz, de la musique électronique et du rock, un style qu'il affectionne. Et qui lui a valu d'être appelé par David Bowie pour l'enregistrement de son album-testament "Black Star", d'être convié par le pianiste Brad Mehldau pour un duo électro-jazz particulier et de collaborer avec des jazzmen de renom comme John Scofield, Donny McCalin et Avishai Cohen. Après avoir donc touché à des formes très contemporaines de drumming, le jeune prodige, dont le jeu dégage des spectres de sons souvent innovants, vient d'enregistrer "Jersey" (Motema Music/PIAS) à la tête de son excellent et très cohérent Jazz Quartet : Jason Rigby (saxophone-ténor), Fabian Amalzan (piano) et Chris Morrissey (contrebasse).
Un album qui marque son retour dans le monde du jazz acoustique, parfois complexe, dans lequel chacun des membres du groupe trouve son articulation et apporte ses riches idées par rapport à la tension physique et rythmique dégagée par le leader. Un CD atmosphérique dont le (trop) court "Rate" (0:52') en solo est dédié à ses pairs: Roy Haynes, Elvin Jones, Art Blakey et Tony Williams. Impressionnant ! (Il sera au New Morning à Paris, le 16 novembre dans le cadre du Blue Note Festival).
Vénérables batteurs
Voici plus d'un demi-siècle que Daniel Humair fait partie de la caste des grands batteurs européens et internationaux ayant une prédilection pour une musique libre et affranchie, tournée vers l'improvisation et la création spontanée.
A 79 ans, ce rare batteur quasiment ambidextre, peintre et sculpteur d'origine suisse, qui a joué avec tout ce que le jazz moderne et avant-gardiste compte de pointures, a décidé de rendre hommage, non à ses pairs musiciens, mais à des congénères plasticiens du XXè siècle à travers sont dernier CD, "Modern Art" (Incises/Outhere).
Ainsi son trio d'explorateurs - Vincent Lê Quang (saxes ténor & soprano), Stéphane Kerecki (contrebasse) - s'est inspiré de Jackson Pollock, Pierre Alechinsky et Yves Klein notamment, pour créer des formes de jazz sans barrière et sans frontière, qui sont autant de passerelles, de correspondances et de vibrations poly artistiques. (Ils seront le 13 octobre au cinéma Le Balzac à Paris et le 17 novembre au Comptoir à Fontenay-sous-Bois).
Batteur d'origine italienne, Aldo Romano, 76 ans, qui a lui aussi connu les grandes heures du jazz free à son arrivée à Paris voici plusieurs décennies, s'est révélé au fil du temps, et avec beaucoup de sagesse, un authentique mélodiste.
"Mélodies en Noir & Blanc" (Le Triton/L'autre distribution) sa dernière production en est la parfaite illustration, avec en prime un brin de nostalgie. Dix courtes pièces faisant partie de son répertoire - dont une surprenante reprise chantée de "Il voyage en solitaire" de Gérard Manset - qui sont de très belles et émouvantes invitations au voyage, bercées par un admirable trio (Michel Benita, contrebasse) d'où émerge l'élégant Dino Rubino (piano), au touché lyrique et souvent bouleversant. De la très belle ouvrage. (Il sera le 30 novembre au Triton aux Lilas).