Baleine JYL Commencée avec divers hommages - à Chet Baker (avec la projection du film "Born To Be Blue"), Michel Petrucciani, Louis Armstrong, puis Bessie Smith, Frank Sinatra (de façon plus qu'insolite !) et Gene Krupa - la 8è édition du festival "Jazz au Phare" (du 12 au 16 août) à Saint-Clément-les-Baleines, sur l'île de Ré, s'est terminée en beauté avec le blues-rock fort du légendaire groupe britannique, Ten Years After.

En cette année de célébration du centenaire de la naissance "officielle" du jazz, rendre hommage - ou perpétuer la flamme ! - est devenu, notamment pour la nouvelle génération de musiciens et vocalistes, un exercice obligé. A défaut de pouvoir créer quelque chose de nouveau et/ou d'original.

Ainsi, la chanteuse Sarah Lenka s'est attaquée à un monument. Celle qui était considérée comme la première véritable dame du jazz et surtout l'impératrice du blues, Bessie Smith (1894 - 1937), dotée en plus, dans la vie privée, d'un sacré caractère ! C'est tout cela que la jeune femme, désignée meilleure artiste vocale féminine par la SACEM en 2007, a voulu faire passer en rhabillant à sa manière un répertoire fortement ancré dans la tradition.

Aidée de Camille Passerie (trompette), Fabien Mornet (banjo/dobro), Rémi de Coudenhove (guitare) et Manuel Marchès (contrebasse), elle a restitué, avec fidélité et de sa voix au timbre particulièrement clair pour cette musique très "roots", l'esprit et l'univers de la grande Bessie. Sans jamais oublier, entre les chansons, d'expliquer au public les traits de caractères de son idole et même d'oser inviter les "pétasses" (ce qui est assez provocateur vu la réputation de l'endroit !!!) de l'île de Ré à danser sur "Cake Walking Babies From Home", un thème très dixieland.

Et consécration pour la chanteuse qui fut rejointe à la fin de son show par Ben l'Oncle Soul, programmé en deuxième partie de cette soirée, pour un super final sur un classique du blues, "Some of These Days".

Sinatra à la sauce de l'Oncle Soul

ben loncle soul GJ SLR 5906Ben l'Oncle Soul (de son vrai nom Benjamin Duterde) est un jeune chanteur qui aime surprendre, voire dérouter. Pour une surprise, c'en est une : oser s'attaquer au répertoire de l'immense Frank Sinatra. La déroute vient ensuite ! 

Reprendre certains des succès les plus planétairement connus de "The Voice" sur fond de hip-hop, soul, funk et R&B à l'école Stax ou Motown, relève tout à la fois d'un crime de lèse-majesté et d'un brin de folie. Le crime de lèse-majesté, c'est surtout de rendre quasiment méconnaissables, pour qui n'est pas habitué au répertoire de Sinatra, des tubes comme "My Way" (et de le chanter en anglais !), "Fly Me To The Moon" ou encore "The Good Life" (toujours en anglais !). Le brin de folie, c'est aussi surtout de faire un show authentique, de l'"entertainement" basique et d'appeler à la fête... Pour cela, le pari n'est pas mal réussi !

Mini Woodstock chic !

Comment transformer l'espace d'une douce soirée (la dernière du festival) la scène champêtre du phare des Baleines en un mini-Woodstock chic et choc ? Tout simplement en invitant l'un des derniers groupes encore en actvité qui avait participé à cette fête mythique : Ten Years After.ten years after SLR 6793

Si aujourd'hui, il ne reste plus que deux des membres originaux du groupe britannique fondé en 1966 - Ric Lee (batterie) et Chick Churchill (claviers) - la tâche la plus redoutable revient à Marcus Bonfanti (guitare, chant et harmonica), celle de relever le défi lancé par Alvin Lee, qui fut jusqu'à sa disparition tragique en 2014, l'âme et l'esprit musical de la formation.

Mission accomplie dès les premiers riffs de la guitare, qui rappelent et renvoient à ce blues rock accrocheur, rythmé, soutenu dans le phrasé, jamais vulgaire mais si représentatif de ce qu'était la vague "British Blues" qui avait submergé la fière Albion il y a un plus d'un demi-siècle. Impossible - et surtout inutile ! - de résister à cette déferlante rythmique fougueuse dont le point d'orgue sera la reprise du tube du groupe, "I'am Going Home".

Sinon, mention spéciale pour deux groupes programmés lors de cette édition 2017 : Khörd(z) et le Corsican Quartet.

Le premier, un duo composé de Alex Turco (guitare) et Guillaume Vallot (contrebasse), lauréat du concours Jeunes talents régionaux de Jazz au Phare 2016, qui a enregistré son premier CD éponyme (Cristal Records). La musique, très tendance composée à la fois de reprises jazz (Wayne Shorter) et rock/pop (Michael Jackson, Police et le tandem Lennon/McCartney), est une belle invitation à la rêverie, à la tranquillité, à l'évasion et à une certaine forme de béatitude.

Le second, composé de Fanou Torracinta (guitare solo), Arnaud Giacomoni (guitare/chant), William Brunard (contrebasse) et Bastien Ribot (violon), a réussi une synthèse originale et parfaite entre les thèmes traditionnels corses, souvent chargés de mélancholie, et la vivacité rythmique de la musique manouche et gitane. Très sympa !

Illustration : JYL - Jean-Yves Lacombe

Photos : ©Sophie Le Roux