Qu'ont en commun Foley McCreary, Kenny Garrett et Darryl Jones ? Pour les deux premiers, respectivement bassiste électrique et saxophoniste, d'avoir été LES derniers accompagnateurs de Miles Davis. Pour le troisième, également bassiste, d'avoir travaillé avec ce dernier dans les années 1980, avant de rejoindre les Rolling Stones en 1993 au départ de Bill Wyman.
Au regard de la configuration scénique de la Grande Halle de la Villette ce dimanche soir; avec pas moins de trois postes dédiés aux claviers en tout genre, dont un orgue Hammond, l'auditeur/spectateur se doute que ce qui va suivre musicalement va surprendre.
Et d'entrée de jeu, le ton est donné ! Foley, capuche sur la tête qui lui cache le visage et lunettes de soleil - deux accessoires qu'il ne quittera jamais durant tout le concert ! - appuie sur l'accélérateur d'une musique dotée d'une hyper énergie totalement débordante. La déferlante funk et jazz fusion est en marche ! Elle ne prendra fin qu'avant le rappel, quand le maître de séance, assis seul face à des claviers, rendra un très bel et émouvant hommage à Prince, qui avait fait appel à lui pour plusieurs enregistrements.
Entre temps, le très démonstratif bassiste, dont l'instrument sonne comme une guitare électrique, et ses acolytes - outre K. Garrett et D. Jones, Larry Dunn (claviers, ex-Earth, Wind & Fire), Bobby Sparks (claviers, ex-Snarky Puppy), Kwinton Grey (claviers) et Darek Winkley (batterie) - ont délivré un funk fusion d'une rare intensité. Les rythmes sont accrocheurs, permanents, soutenus, volontairement paroxystiques, voire orgasmiques. Il y a de l'électricité dans le binaire de cette machine à funk !
Et dans cet univers, rythmiquement foisonnant et physiquement irrésistible, se dégage un homme, outre l'omniprésent et vibrionnant leader, le saxophoniste (principalement alto), Kenny Garrett.
Ses interventions lumineuses et inventives dans chacun des morceaux exécutés conduisent systématiquement à des séquences d'une très grande intensité et puissance. Et tout l'orchestre suit son cheminement vers l'extase de la fusion qui déménage... Dont le point d'orgue sera le rappel, où il citera rapidement celui qui fut son mentor, Miles Davis. Et le fantôme du trompettiste de s'installer brièvement là où il avait mis le feu, Foley !
Jowee Omicil, le "Zébulon" du jazz
A écouter le poly-instrumentiste - il joue aussi bien du saxophone-alto, que du soprano, de la clarinette basse, de la flûte piccolo voire de la trompette - Jowee Omicil pourrait être un brillant touche-à-tout.
En fait, le style musical - mais lequel ? - de ce jeune musicien canadien originaire d'Haïti, qui n'arrête pas de s'agiter et de déambuler sur scène pendant toute sa prestation, ressemblerait plutôt au contenu du filet d'un marin pêcheur. Avec de multiples prises et espèces.
Ici du calypso jazz, façon Sonny Rollins ; là une reprise de "La Bohème" de Charles Aznavour ; là encore une pointe de funk et de blues.... un peu de jazz fusion. Bref, un cocktail de genres, sans prise de tête, qui se partage mais qui n'a rien de transcendant et révolutionnaire !
Photos ©Sophie Le Roux