Légende du jazz et un des pionniers du jazz rock, Chick Corea, a été emporté, à l'âge de 79 ans, par une forme rare de cancer, découverte seulement très récemment.Chick Corea Kongsberg Jazzfestival 2018

Surnommé "enfant de Miles" (Davis), il donnait encore il y a un an un magnifique concert à la Philharmonie de Paris en compagnie de son Trio de pointures, comprenant Christian McBride, contrebasse, et Brian Blade, batterie.

"Je veux remercier tous ceux qui, tout au long du voyage, ont aidé à faire briller les feux de la musique", a-t-il indiqué dans un message rédigé avant sa mort. "J'ai l'espoir que ceux qui ressentent l'envie de jouer, d'écrire, de se produire en spectacle puissent le faire", a-t-il ajouté.

Pianiste, claviériste électronique, compositeur de titres dont certains sont devenus des standards, leader de formations, collectionneur de Grammy Awards (23 en tout), Armando "Chick" Corea a traversé tous les courants du jazz contemporain, voire participé à l'éclosion d'une forme majeure au début des années 1970, avec une réelle élégance.

Elégance instrumentale qui lui a aussi permis d'interpréter avec aisance Chopin, Bach, Bartok, Mozart, Stravinsky ainsi que le blues, la rumba (cf. la composition "Armando's Rumba") ou la samba.
Une passion pour l'hybridation musicale qui a fait de lui un des précurseurs du jazz fusion et qui est la somme de tout son parcours - lui qui était né en 1941 - commencé à Boston, où son père Armando, trompettiste de son état dirigeait un orchestre de danse à succès.
C'est grâce à lui qu'il découvre Thelonious Monk, Bud Powell et Horace Silver, avant de s'envoler pour New York en 1959 et la Julliard School of Music, où il va étudier Bartok et Stockhausen avant de jouer avec Mongo Santamaria et mettre un pied dans le plat du jazz moderne puis faire ses classes, dès 1966, avec le saxophoniste-ténor Stan Getz.

Dès lors, sa carrière sera lancée. Il va croiser la route de Sarah Vaughan, Roy Haynes et Miroslav Vitous (pour l'enregistrement de "Now He Sings, Now He Sobs" - 1968), avant la rencontre décisive de sa future et prolifique carrière avec Miles Davis.
Engagé par le trompettiste - alors cependant au creux de la vague et à la recherche d'un nouveau souffle - sur les conseils du batteur Tony Williams - il va participer, aux claviers électriques et électroniques, durant plusieurs mois à l'élaboration de deux albums de transition fondateurs qui vont marquer la décennie à venir et l'histoire du jazz : "In A Silent Way" et "Bitches Brew".

Après avoir quitté Miles Davis et adopté les principes de la Scientologie, il s'oriente dans un premier temps vers une musique plus free aux côtés d'Anthony Braxton, Dave Holland (ex-Miles) et Barry Altschul dans le groupe "Circle".
C'est en 1972, avec sa nouvelle formation binaire et électrique "Return To Forever" - comprenant notamment Stanley Clarke (basse) - qu'il enregistre un disque éponyme qui va le propulser dans le monde du jazz rock et binaire post-Miles Davis, dont il devient un des "enfants".
Par la suite, il reforme "RTF" avec Bill Connors et Al DiMeola à la guitare, avant de graver "My Spanish Heart" en 1976 avec Jean-Luc Ponty (violon), Gayle Moran (chant - devenue Madame Corea) et Steve Gadd (batterie).

Les décennies 1980/90 verront le pianiste revenir à un jazz plus acoustique, même si, entre 1986 et 1991, aux commandes du "Elektric Band" (John Patitucci, basse ; Frank Gamble, guitare et Dave Weckl, batterie), il renoue avec la fée électricité et le jazz fusion.
Fin des années 1990, il monte un super groupe dans lequel vont s'exprimer des jeunes pousses d'alors et de solides solistes comme Joshua Redman, Kenny Garrett, Christian McBride, Wallace Roney et Roy Haynes.
Viendront ensuite diverses expériences en solo, duo - dont un étonnant d'improvisations et de spontanéité avec Herbie Hancock qui s'était produit à "Jazz à Juan" en 2015 - trio et quartet avec tout le Gotha du jazz contemporain créatif, toutes générations confondues.

"La plupart des musiciens avec qui j'ai joué sont mes amis avec qui j'ai joué avant, souvent ou un peu moins. (...) Ce qui compte c'est que nous savons ce que nous faisons", déclarait-il dans un entretien à la revue américain Down Beat en 2017.

Le jazz, sous toutes ses formes, vient de perdre une sommité. Une lumière vient de s'éteindre.