Erroll Garner© Nico Van Der StamJamais imité, jamais égalé, Erroll Garner, entré dans la légende du jazz (mais pas que) avec "Misty", fait toujours rêver à travers six nouvelles parutions.

Composée en 1955, "Misty" - devenue un standard de jazz et de la chanson - s'est vendue à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde, popularisant ainsi son créateur, jusqu'à devenir le titre d'un film de Clint Eastwood ("Play Misty For Me" - "Un frisson dans la nuit" - 1971).

Cependant, Erroll Garner (1921 - 1977) l'enfant autodidacte de Pittsburg disparu à Los Angeles, à la carrière prodigieuse, ne peut se résumer à un seul succès, même planétaire. Une seconde vague de rééditions des productions de sa maison de disques - Octave Records (Mack Avenue/PIAS) - entièrement restaurées à partir des masters originaux en apporte une preuve flagrante. D'autant que certains des CDs - enregistrés entre 1964 et 1973 - comprennent en plus des bonus jusque-là inédits au catalogue.

Six albums majeurs de ce pianiste grogneur aux yeux malicieux, original et reconnaissable entre mille, dont le jeu, au swing et au stride communicatifs et euphoriques, est un véritable régal. Même si, à son époque, il fut tenu en piètre estime par une certaine critique.

Au programme : une formidable évocation de l'indémodable American Songbook (les standards du jazz) avec des titres composé par les frères Gershwin et Jerome Kern, dans "E.G. plays Gershwin & Kern" (1964 - 1967), où, dans les notes de la pochette, l'imprésario (et pianiste) George Wein, fondateur du Newport Jazz Festival, le qualifie simplement de "grand génie musical".

Puis vient "That's My Kick" (1966), dans lequel le pianiste fait intervenir plusieurs percussionnistes, dont le Cubain José Mangual, qui deviendra par la suite son joueur de congas attitré.

Que l'on retrouve bien évidemment dans "Up In Erroll's Room" (1967/68), où figure notamment une reprise du tube d'Herbie Hancock, "Watermelon Man", et le leader aux commandes de son quartet d'alors augmenté d'un big band, "The Brass Bed", pour réinventer des thèmes du tandem Gershwin, Irving Berlin, Jerome Kern et A.C. Jobim.

"Feeling Is Believing" (1969), gravé avec de nouveaux accompagnateurs (à l'exception de... José Mangual !), comme George Duvivier (contrebasse), donne un aperçu, avec six compositions originales, de la richesse de créativité du pianiste.

Sa touche compositrice personnelle et son art unique de réinventer les standards trouvent leur apogée dans "Gemini" (1971) et "Magician" (1973). Son sens de la mélodie et du rythme, la légèreté primesautière de son jeu, son exploitation à l'infini des arpèges et son touché inimitable illuminent ces deux albums. erroll garner magician cover

Surtout sur "Magician" qui sera sa dernière séance d'enregistrement en studio avant sa disparition prématurée à l'âge de 55 ans.