Des pépites inédites - John Coltrane, Stan Getz, Erroll Garner, Blossom Dearie - des archives complétées - Miles Davis - et un légendaire octogénaire toujours vert - Charles LLoyd : ou comment clore majestueusement la saison phonographique.
Le légendaire label Impulse ! (Verve/Universal) vient de publier "Both Directions at Once : The Lost Album", autrement dit un album studio inédit de John Coltrane enregistré le 6 mars 1963 à la tête de ce qui est considéré historiquement comme son "Classic Quartet" : McCoy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse) et Elvin Jones (batterie).(Cette parution avait déjà fait l'objet d'un article plus étoffé sur ce blog le 11 juin dernier).
"C'est comme si on avait découvert une nouvelle chambre dans la pyramide de Khéops" a déclaré Sonny Rollins pour souligner l'importance de cette découverte. Dont acte !
Surnommé "The Sound", Stan Getz (1927 - 1991) savait à la fois combiner les sonorités suaves, feutrées, douces voire nonchalantes quand il affectionnait la bossa nova, à celles plus musclées et viriles, tout en conservant un brin de "coolitude" très West Coast quand il se frottait aux rythmes jazzy.
Ce sont ces dernières que l'on peut réentendre dans "Stan Getz - Live in Paris 1959" (Frémeaux & Associés). Pour ce concert inédit enregistré en direct à L'Olympia de Paris en janvier 1959 (plus trois titres en studio, le tout produit par le célébrissime tandem Daniel Filipachi/Frank Ténot), le saxophoniste-ténor, alors en exil en Europe, est à la tête d'une rythmique franco-américaine : Martial Solal (piano), Pierre Michelot (contrebasse), Jimmy Gourley (guitare), et Kenny Clarke (batterie).
Quant aux répertoire, il est essentiellement composé de standards du bebop et du Great American Songbook. Relus d'une façon très personnelle, avec une élégance toute naturelle et constante, dans un phrasé inimitable.
"Découvertes incroyables" & archives
Les "découvertes incroyables" se multiplient en ce début d'été !
Après l'album studio de Trane, voici - ce qui est plus évident ! - un disque inédit enregistré en live par le pianiste Erroll Garner (1921 - 1977) au Royal Concertgebouw d'Amsterdam en 1964 intitulé "Nightconcert" (Mack Avenue/PIAS - sortie prévue le 13 juillet).
Pour cette prestation donnée à minuit et rassemblant quand même plus de 2000 personnes, le leader était accompagné d' Eddie Calhoun (contrebasse) et Kelly Martin (batterie). Ensemble, ils ont interprété 16 titres, provenant pour la plupart du fameux et quasi inépuisable Great American Songbook, ainsi que trois compositions originales du pianiste, dont une "The Amsterdam Swing", ne figure sur aucun album.
C'est un vrai bonheur que de retrouver cet élégant pianiste au style inimitable, plein d'un swing authentique, d'une réelle ferveur rythmique et mélodique, doublé d'une bonne humeur musicale transmissible. "Y'a dl'a joie" aurait dit le poète !
Une voix quelque peu enfantine, à la fois gracieuse et acidulée, voire fragile en apparence : ainsi pourrait-on résumer les qualités vocales de Blossom Dearie (1926 - 2009), qui était également pianiste.
D'abord chanteuse de clubs, c'est lors de son séjour à Paris au cours des années 1950 qu'elle acquiert une certaine notoriété en formant un groupe vocal, le "Blue Star de Paris" (avec comme arrangeur Michel Legrand), épouse le saxophoniste/flûtiste belge Bobby Jaspar et fait la connaissance du producteur Norman Granz (Verve).Qui lui assurera une certaine renommée discographique à son retour aux USA et de multiples concerts.
Si les clubs de jazz américains et européens ont principalement été ses points de chute, Blossom Dearie s'est aussi produite dans de grande salles. "The Lost Sessions From The Netherlands" (Fondamenta/Sony Music) est une sélections d'inédits enregistrés là encore aux Pays-Bas entre 1968 et 1989, dans lesquels elle maîtrise, avec un charme singulier, tous les formats (du solo au grand orchestre) et les répertoires (thèmes de films, classiques, originaux et reprises, dont une de Joni Mitchell).
De toutes les musiques de film, celle d'"Ascenseur pour l'échafaud", le film de Louis Malle réalisé en 1957, est vraisemblablement parmi les plus célèbres.
Et sa célébrité, elle le doit à un trompettiste alors âgé de 31 ans, Miles Davis, épaulé par un quintette franco-américain devenu tout aussi légendaire : Barney Wilen (saxe-ténor), René Urtreger (piano), 83 ans, seul survivant de cette séance aujourd'hui, Pierre Michelot (contrebasse) et Kenny Clarke (batterie).
La bande-son intemporelle a été publiée à plusieurs reprises depuis sa sortie en 1958 avec à chaque fois des prises inédites. Une nouvelle version, annoncée exhaustive, (2 cds Fontana/Universal) vient de paraître complétée par un titre, "L'interrogatoire de Julien", interprété par la seule section rythmique. Une belle curiosité !
Un "octogévert" !
Multi-instrumentiste (saxophone & flûte) musicalement imprégné par le mysticisme, Charles Lloyd, 80 ans, a toujours aimé les passerelles entre les musiques. Avec une touche de psychédélisme dans les années 1960, des voyages en Inde et en Grèce, voire dans le rock californien, la soul et le funk plus récemment.
Avec "Vanished Gardens" (Blue Note/Universal), son dernier cd, c'est à un voyage dans le country blues mâtiné de jazz qu'il convie ses fans.
En compagnie d'une égérie du genre, la chanteuse Lucinda Williams, et d'un super groupe qui porte bien son nom "The Marvels" - Bill Frisell et Greg Leisz (guitares), Reuben Rogers (contrebasse), Eric Harland (batterie) - le leader - dont la sonorité souple, onctueuse et veloutée au saxophone est extatique - réinvente le genre, le transcende, l'élève aux cieux et lui donne sa bénédiction.
Il suffit d'écouter la magnifique reprise de Jimi Hendrix "Angel" - en trio saxe, guitare, et la superbe voix de Lucinda Williams - pour sentir toute l'émotion et tout le charisme qui se dégagent de cet album. Une vraie perle !