Carla Bley TrioDepuis plus d'une décennie, les jazzwomen bousculent le monde jusque-là très masculin - sauf pour les chanteuses ! - du jazz. Carla Bley, précurseuse dans les années 1960/70, a inspiré la nouvelle génération personnifiée par Sophie Alour, Ludivine Issambourg ou encore Emie R. Roussel et Rachel Therrien, toutes deux venues du Canada.

C'est Carla Bley, la vénérable (81 ans) et très estimée pianiste/compositrice et leader, qui fut une des pionnières en matière de reconnaissance des femmes dans le jazz moderne - bien avant la tendance actuelle ! - qui propose encore et toujours une musique captivante et novatrice

Au sein d'un trio qu'elle conduit depuis un quart de siècle - Steve Swallow (basse, son compagnon, 79 ans) et Andy Sheppard (saxophones) - elle vient de graver "Life Goes On" (ECM/Universal).Carla Bley cover

Un album qui se compose de trois suites originales, faites de courtes interventions : celle qui donne son titre au disque, "Beautiful Telephone" et "Copycat". Si le travail d'écriture relève parfois d'un astucieux mélange racines jazz/blues et musique contemporaine, le travail instrumental et les échanges fertiles et lyriques entre les protagonistes relèvent d'une profonde complicité et d'une éloquente élégance mélodique. La connivence du trio depuis des lustres conduit immanquablement à la communication et à la magie. Le top du must !

Sophie Alour CoverIl y a deux ans, les amateurs avaient pris congé de Sophie Alour avec un répertoire consacré aux standards dans "A Time For Love". Aujourd'hui, la saxophoniste/flûtiste, compositrice et meneuse d'hommes propose un nouvel horizon musical avec son dernier projet "Joy" (MusicFromSource/L'Autre distribution).

Très tourné vers l'Orient tout en conservant des accents jazzy, il fait notamment appel à des musiciens comme Mohamed Abozekry (oud/chant), en invité de marque. Cette création, qui avait vue le jour au festival "Jazz sous les Pommiers" en mai 2019, permet à la leader de s'affirmer comme une instrumentiste talentueuse et expressive dans les soli. Entourée de précieux accompagnateurs, la saxophoniste-ténor explore ainsi des terrains musicaux inédits qui sont autant de grands espaces aux confluents de deux cultures.

A propos de confluents, Ludivine Issambourg a toujours situé sa musique aux frontières du jazz, de l'électro jazz, du funk, de la soul, du R&B voire du hip-hop et des machines, avec son groupe "Antiloops".

Flûtiste et défricheuse sans véritable passeport, la jeune femme, qui officie également dans diverses grandes formations, possède pour l'expression de son style, plusieurs sources d'inspiration. Parmi elles, son alter ego américain Hubert Laws. Agé aujourd'hui de 80 ans, héritier direct d'Eric Dolphy et Herbie Mann, il fut un des pionniers dans les années 1970 d'un mix entre jazz, pop, funk, r&b et autres musiques groovy et binaires, ayant eu alors un certain succès commercial.

Ludivine Issambourg coverC'est à ce musicien très samplé dans le hip-hop et par les dj's que Ludivine Issambourg a voulu rendre hommage dans son nouveau cd, "Outlaws" (Heavenly Sweetness/L'Autre distribution). Pour se mettre en immersion totale dans le répertoire de celui qui a accompagné aussi bien Chick Corea, Herbie Hancock que Paul McCartney et Aretha Franklin, elle s'est entourée de solides partenaires comme Eric Legnini et Laurent Coulondre (claviers), Julien Herne (basse) et Stéphane Huchard (batterie).

Avec comme résultat une musique des plus vivifiantes, très rythmée, pleine de groove musclé et de mélodies funky enlevées par une flûtiste qui sonne comme à l'époque. Un brin de nostalgie.

Jazz canadien

L'ex-Nouvelle France nous réserve toujours des surprises.

Dernière en date, Emie R(ioux)-Roussel. En effet, la claviériste originaire de Montréal, qui depuis une dizaine d'années dirige un trio très soudé - Nicolas Bédard (contrebasse/basse électrique) et Dominic Cloutier (batterie) - croule sous les distinctions au Canada et devait se faire connaître dans l'Hexagone.

Emi R. Roussel coverC'est désormais chose faite avec son 5è disque intitulé "Rythme de passage" (UniMusiq/L'Autre distribution). A l'image des pianistes de sa génération elle puise son inspiration, un zeste chez Keith Jarrett, une grosse pincée chez Brad Mehldau et surtout l'essentiel à l'écoute du trio E.S.T. La référence implicite aux Suédois n'échappe pas à l'écoute de l'album même si la recherche d'une réelle originalité existe à travers des compositions personnelles mélodieuses.

Pour les voyageurs, ils seront le 3 septembre à la 35è édition du festival de jazz de Rimouski au Canada.

Née à Québec et partageant son temps entre Montréal et New York, Rachel Therrien a été révélée en France lors des "Jammin' Summer Session 2019" du festival "Jazz à Juan".

La trompettiste/bugliste - très inspirée et influencée par des mentors comme Chet Baker, Tomasz Stanko, Enrico Rava et Paolo Fresu - est également une compositrice développant une musique aux ingrédients multiples. Comme beaucoup de musicien.ne.s de sa génération !

Rachel Therrien coverLes quinze compositions originales de son nouvel album, "Vena" (Bonsaï/L'Autre distribution) témoignent de ses talents d'écriture mélodique.
Accompagnée d'un trio international - Daniel Gassin (piano - France), Dario Guilbert (contrebassiste - Espagne) et Mareike Wiening (batterie - Allemagne) - la jeune femme, tout en pratiquant un jeu très personnel lyrique, romantique et d'une rare élégance dans le phrasé, invoque et évoque de façon magistrale ses sources d'inspiration. Et l'on tombe sous le charme de cette sonorité très "glamour", semblable à un très beau velours ancien, et de mélodies à l'âme vagabonde.

Elle sera en concert  le 21 août à Saint-Paul-Trois-Château (Drôme), dans le cadre du festival Parfum de Jazz.