Longtemps marginalisées, voire inexistantes dans certains pays, les femmes prennent leur revanche dans le jazz. Quelques exemples venus des Etats-Unis avec Jana Herzen, de Corée du Sud avec Jihye Lee et d'Allemagne avec Stephanie Lottermoser.
Jana Herzen a plusieurs cordes à son arc: guitariste, chanteuse, compositrice, présidente du label américain indépendant, Motéma - à l'origine de la découverte notamment de Gregory Porter et son tube "1960. What ?" (2010) et du pianiste Joey Alexander - créé en 2003, et mariée l'année dernière au contrebassiste/bassiste Charnett Moffett.
Comme on n'est jamais aussi bien servit que par soi-même, elle vient de publier sur son label "Live" (Motéma - PIAS), un disque enregistré en direct au Joe's Pub de New York en octobre 2019.
Si, on y retrouve outre son mari - au jeu d'une rare souplesse et rondeur à la basse électrique fretless - Brian Jackson (piano & claviers), Irwin Hall (ex-Melody Gardot - saxes & flûte) et Corey Garcia (batterie), cette production permet d'entendre et de découvrir une chanteuse à la croisée des chemins musicaux, entre folk flues et folk jazz, façon Joni Mitchell.
Sa voix sait se faire cajoleuse et caressante, tout en gardant une inflexion bluesy, parfaitement à l'aise dans cet exercice très réussi de crossover stylistique.
Native de Corée du Sud - comme sa compatriote et vocaliste Youn Sun Nah - la chanteuse, cheffe d'orchestre et compositrice Jihye Lee a d'abord fait ses classes vocales dans la pop indie avant de découvrir le jazz et les grands ensembles lors de ses études au Berklee College of Music de Boston (Massachussetts) puis à la Manhattan School of Music de New York.
Si il y a quelques années, la jeune femme, née en 1980, avait écrit une forme de requiem pour un ferry à la suite du naufrage d'un bateau au large de son pays faisant plus de 300 morts, avec "Daring Mind" (Motéma - PIAS) son dernier opus, elle explore d'autres horizons et singulièrement emprunte les chemins actuels du jazz.
A l'image d'autres conductrices de big band (très masculins dans leur composition instrumentale !) comme Carla Bley ou Maria Schneider - récemment couronnée "Grand Prix 2020" de l'Académie du jazz en France - Mlle Lee utilise toutes les palettes sonores et climatiques des différents pupitres instrumentaux (cuivres, bois, etc.) pour mettre en valeur des titres personnels recherchés, originaux et mélodieux.
Dont les arrangements très fouillés et étudiés sont encore plus en mis en valeur par la pertinence d'interventions improvisées de solistes souvent enflammés et déterminés conduits par une main de maîtresse !
L'Europe, particulièrement la France et les pays du Nord, a toujours été une terre favorable au jazz.
Ainsi, de Bavière où elle est née en 1983, nous vient Stephanie Lottermoser.
Et avec la saxophoniste/compositrice/chanteuse et son disque "Hamburg" (Leopard Records/Socadisc), une surprise : les retrouvailles avec un jazz funk, binaire, rockisant, très rythmé et rythmique souvent, carrément soul, façon années '60 parfois.
Elle est aidée en cela par des accompagnateurs (Till Sahm, claviers ; Lars Cölin, guitare), dont deux batteurs (Thomas Stieger & Felix Lehrmann), maniant toutes les étincelles de la fée électricité et de la cadence binaire avec assurance et abondance.
Pas réellement novateur mais n'est-ce pas grâce aux styles et légendes du passé qu'éclosent les talents du présent ?